Interview des photographes Daniel Pittet et Olivier Matter par Thierry Savary.
Enregistrée à l'occasion de leur exposition sur les rhumeries de Marie-Galante à l'espace Pertuis à la rue de la Grand Fontaine à Fribourg.
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Daniel Pittet n'est pas que photographie, il est également ingénieur. La photographie lui permet de créer et découvrir des endroits qu'il aime. C'est un pur plaisir pour lui. Olivier Matter a découvert la photographie au gré de ses voyages. Ce sont des autodidactes. Daniel Pittet a eu souvent l'occasion d'échanger avec d'autres photographes. Olivier Matter s'inspire d'autres photographes. Daniel Pittet s'intéresse moins à la technique et plus au sujet. Olivier Matter mentionne l’arrivée du numérique mais il pense qu'il y a toujours de la place pour la photo telle qu'ils la font.
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Monter cette exposition ensemble a été très naturel pour eux. C'est Olivier qui a proposé le sujet à Daniel et il a tout de suite été emballé. Ce qui est intéressant, c'est que bien que traitant le même sujet, ils ont produit des choses relativement différentes. Olivier Matter est un grand voyageur et la photographie influence les endroits où il va. C’était la première fois qu'ils partaient ensemble en voyage.
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Ils ont travaillé de manière assez indépendante l'un de l'autre. Sur place, ils travaillaient sur les mêmes lieux, mais chacun de leur côté puis, ils se retrouvaient le soir avec une bouteille de rhume pour discuter de leur travail. Ce n'était pas la première fois qu'Olivier Matter allait aux Antilles et il avait déjà vu ces distilleries. Par contre, Daniel Pittet n'était jamais allé aux Antilles. Ils avaient donc une approche très différente. Il faut toujours demander aux gens s'ils sont d'accord d’être pris en photo. Ils décrivent le processus de réalisation du reportage photo.
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Pour ce sujet, Olivier Matter a été inspiré par un voyage il y a 2-3 ans et il y a découvert les distilleries, mais à ce moment-là, ils ne distillaient pas le rhum, car c'était trop tard dans la saison pour la récolte de la canne à sucre et il a eu à ce moment l'idée de ce reportage photo. Il avait été frappé par la vétusté des machines à vapeur. Marie-Galante est un des derniers endroits où il y a ce genre de distillerie. Ailleurs, en Guadeloupe, les distilleries sont modernisées. Ils décrivent la culture, la récolte de la canne à sucre et la distillation du rhume ainsi que la manière dont sont gérés les domaines agricoles.
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En Suisse, on ne trouve pratiquement pas de rhum agricole. Le rhum rythme la vie des gens en Guadeloupe. Tous les prétextes sont bons pour boire du rhum. Lors du reportage, ils se sont documentés auprès des gens du cru.
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Le reportage est en noir et blanc pour souligner la vétusté des machines et afin de donner un doute sur l'époque à laquelle il a été fait. Il y a un mélange homme-machine et Daniel Pittet a essayé de rendre le mouvement qu'il y a dans ces distilleries. Olivier Matter pense que ces lieux sont destinés à disparaître du fait de la vieillesse des machines. On utilisait ce genre de machine en France pour la distillation au 19e siècle. Elles ont été envoyées aux Antilles et en Afrique quand on les a jugées trop vieilles et cela fait plus de 100 ans qu'elles tournent là-bas.
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Le personnage du Père Labat est celui à qui on doit le développement du rhum agricole. Il a inventé un alambic spécial qui donne tout le caractère au rhum agricole. Actuellement, c'est la distillerie Poisson qui produit le rhum du Père Labat et applique la recette qu'il avait développée. Il s'est aussi penché sur la culture de la canne et la manière d'en extraire le jus. Il a développé le rhum en se basant sur un médicament à base de canne à sucre qui l'avait soigné.
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Le rhum est un alcool qui soi-disant n'attaque pas le foie, mais détruit les cellules nerveuses du cerveau et on peut reconnaître un grand buveur de rhum à sa démarche qui est particulière. Les ouvriers qui travaillent dans ces distilleries sont relativement privilégiés, car ils disposent d'un travail régulier et soutenu quelques mois par année ce qui n'est pas le cas de tous.
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Dans ses photos, Daniel Pittet a été particulièrement attiré par l'être humain, il a essayé de s'approcher des gens au maximum. Il voulait montrer l'homme dans la machine. Olivier Matter s'est plutôt focalisé sur les machines et leurs rouages qu'il avait déjà vus au Sénégal. C'est un heureux hasard que leurs photos soient si complémentaires. Ils pensent que ça serait difficile de montrer ces photos à Marie-Galante. Ils gardent un bon souvenir des gens qu'ils ont rencontrés là-bas.
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Dans les projets futurs, Daniel Pittet va partir en Afrique l'hiver prochain et Olivier Matter l'accompagnera.